« Ca fait des années qu’on repète qu’on en a ras-le-bol« . Alors que la nuit peine à disparaître, Lauwin-Planque connait ses premières lueurs. Quelques palettes enflammées, un pneu au milieu de tout ça, du vieux rock français engagé qui sort d’une petite enceinte, et des camions. Entre les deux, une quarantaine de militant·es de différentes organisations politiques et syndicales venu·es porter main forte aux quelques salarié·es d’Amazon qui ont décidé de bloquer la route ce matin. Répondant à l’appel du 10 septembre, les salarié·es espèrent profiter de la mobilisation nationale pour faire entendre leurs revendications locales. « On nous demande tout le temps de nous serrer la ceinture, à nous les ouvriers« , dénonce Jérome Guilain, secrétaire de section Sud Amazon LIL1 à Lauwin-Planque, près de Douai. « Notre patron [Jeff Bezos], qui représente la 3e fortune mondiale avec plus de 170 milliards de dollars de fortune personnelle reçoit encore des aides de l’État français, avec plus de 55 millions d’aides au CICE. Nous, on trouve ça lamentable« .
Jérôme dénonce une situation de précarité inacceptable pour les salarié·es, d’autant que, selon lui, l’entreprise se porte bien. « Les bénéfices par année, c’est 14% d’augmentation tous les ans« . La commission d’enquête du Sénat sur les aides publiques, présidée par le communiste Fabien Gay, a rendu le 8 juillet dernier un rapport et le chiffre est choc : le montant des aides publiques accordées aux grandes entreprises (subventions, allègements de cotisations sociales, aides de Bpifrance…) s’élève à 211 milliards d’euros. Une petite bombe alors que quelques jours plus tard, le désormais ancien premier ministre François Bayrou dévoilait son projet de budget aux airs de casse sociale massive : taper sur les plus pauvres, protéger les plus riches, sous prétexte d’une dette apocalyptique et de 44 milliards d’euros d’économies à effectuer d’urgence.

C’est à la suite de ces annonces que l’appel à mobilisation pour le 10 septembre a été véritablement lancé (même si la date était déjà discutée dans certains cercles numériques auparavant), appel auquel s’est joint pendant l’été la CGT, Solidaires, et plusieurs partis de gauche comme La France Insoumise.
Si François Bayrou a dû remettre sa démission le 8 septembre dernier à la suite d’un vote de confiance qu’il n’a pas obtenu, la mobilisation ne perd pas son intérêt pour autant. Au contraire. « Avec la nomination de Sébastien Lecornu [ex-ministre des armées, désormais premier ministre], on risque d’avoir le même budget d’austérité« , dénonce Marc Lambert, secrétaire régional Sud Rail. « L’idée du blocage aujourd’hui est double : c’est montrer que l’argent public peut servir, malheureusement, à licencier, alors qu’on a des aides au développement, mais c’est aussi montrer qu’il faut prendre cet argent public à destination de la population pour qu’elle vive mieux au quotidien« . Récemment, une employée d’Amazon Lauwin-Planque, syndiquée, a été licenciée par la direction.

A la suite de ce blocage, les militant·es ont rejoint le rassemblement douaisien prévu à 10 heures. 1000 personnes ont répondues présentes et, face à ce nombre inattendu, le cortège est parti en manifestation. Une manifestation dynamique et motivée, qui en inspirera sûrement d’autres tant les manifestant·es présent·es semblent avoir besoin de se mobiliser. Le collectif « On ne veut plus« , un regroupement de militant·es de gauche transpartisan, appelle à une assemblée populaire ce jeudi soir à 18h30, parc Bertin, pour continuer la lutte. La dernière assemblée populaire avait réuni une cinquantaine de personnes. Un bon chiffre pour une telle réunion dans la cité de Gayant, qui peine habituellement à mobiliser.
Ce 10 septembre au matin, quelques salarié·es de l’entreprise Lactalis à Cuincy s’étaient également relayé·es pour bloquer les accès à l’entreprise. A l’heure où nous sommes passées, sur les coups de 8h30, les salarié·es présent·es nous ont indiqué que le blocage était en bonne voie pour durer.

Retrouvez notre reportage vidéo sur le blocage d’Amazon à Lauwin-Planque.