L’histoire de Gaza est terminée. J’ai quitté Gaza… Peut-être pour la dernière fois et pour toujours.
La douleur dans ma poitrine est insupportable. Le 16 septembre : une date que je n’oublierai jamais… Ce jour-là, j’ai quitté Gaza, peut-être pour la dernière fois, peut-être pour toujours. Un sentiment étrange… un mélange de tristesse, de colère et d’abandon.
Comment peut-on tenir quand on dit adieu à tout ce que l’on connaît et aime, comme si l’on était expulsé de sa vie mille fois ?
Je marchais dans les rues de la ville, des rues détruites par les bombes et la dureté de la vie, mais qui me restent familières. Je connais chaque coin, chaque chemin, malgré les ruines et la destruction autour de moi. Chaque pas m’éloigne de ma maison, de mon quartier, de ma ville, mais ces rues, malgré tout, continuent de me porter. Le déplacement forcé n’était pas un simple départ, c’était un arrachement de l’âme.
J’ai quitté le nord de Gaza au coucher du soleil, à cinq heures de l’après-midi, traînant avec moi toute la fatigue des années et la douleur de la perte. Le chemin était long et épuisant, dix heures complètes, et non pas un simple passage d’un lieu à un autre, mais un voyage intérieur : d’un cœur brisé à un autre, un déplacement d’une province à une autre, dans ma ville dévastée.
Nous sommes arrivés dans le sud en famille, cherchant un abri pour nous protéger tous, mais nous n’avons trouvé que de la terre nue, silencieuse, sans toit, sans ombre, sans eau, sans nourriture, rien qui puisse rassurer nos cœurs ou protéger nos corps. Chaque pas était difficile, chaque heure portait avec elle la faim et la soif accumulées de toutes ces années. Chaque instant était chargé de fatigue et d’impuissance, sans que personne ne comprenne pourquoi tout cela.
Le poids de cette journée était plus lourd que des montagnes, au-delà de toute force humaine. Sous le soleil brûlant, nous cherchions désespérément un abri, une tente pour nous protéger tous, un morceau de bois pour dresser un mur fragile, le moindre reste de vie qui pourrait nous abriter. Le déplacement se répétait sans fin, rongeant nos âmes et brisant nos corps, chaque pas une épreuve supplémentaire, chaque souffle chargé de douleur et d’incertitude.
Pourtant, il y avait de petits instants qui me rappelaient que nous sommes encore humains : le sourire d’un enfant qui passe à côté de moi, une main tendue pour aider, un cœur encore capable d’espérer. Ces petites choses me donnaient la force de continuer, pas à pas, dans ce déplacement forcé, portée par la volonté de rester en vie avec ma famille, malgré tout ce que nous avions perdu.
Que signifie être exilé alors que l’on est encore dans son propre pays ?
Le déplacement était plus cruel que tout. Tout ce qui nous était familier avait disparu, tout était incertain, mais notre volonté, à moi et à ma famille, était plus forte que la fatigue et la faim accumulées de toutes ces années. Même dans les moments les plus sombres, l’espoir tentait de s’affirmer. Ce déplacement n’était pas seulement physique, c’était un voyage intérieur, un voyage qui révélait notre fragilité, notre capacité à tenir et la résilience de l’humanité même dans les conditions les plus difficiles.
Gaza brûle depuis plus de 713 jours… une guerre d’extermination qui ne cesse, et chaque jour apporte son lot de peur, de destruction et de pertes. Aujourd’hui, les Gazaouis fuient sous les bombardements israéliens, abandonnant leur ville, leurs maisons, leurs biens et leurs souvenirs, se dirigeant vers l’inconnu, comme si l’histoire se répétait encore et encore.
L’occupation ne se contente pas de bombarder, elle détruit les immeubles et les tours, avec tout ce qu’ils portent comme mémoire et signification. Chaque immeuble, chaque coin, chaque maison porte une partie de notre histoire et voilà qu’elle disparaît devant nos yeux, encore et encore, laissant l’exil et la perte devenir le fil conducteur de nos vies. Et malgré tout, Gaza reste, ses rues restent, ses souvenirs restent, mais ils se transforment en un vide infini, un voyage sans fin où chaque pas ne ramène rien de ce que nous avons perdu. La perte continue, la guerre continue, la souffrance continue et nous essayons seulement de rester en vie, en essayant de ne pas perdre la dernière chose : notre âme.
Mais il reste des questiosn auxquelles nous n’avons toujours pas trouvé de réponse :
Jusqu’à quand cette perte continuera-t-elle ? La vie ne sera-t-elle qu’une tentative de survie ?
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