« Ici, la vie renaît des cendres » : comment les femmes de Gaza redéfinissent le sens de l’existence

Les femmes de Gaza « sont l’âme invisible d’un peuple qui refuse de disparaître ». En première ligne du génocide, les femmes de Gaza aident, réparent, et surtout : reconstruisent. 7e numéro du journal de notre correspondante à Gaza, Sarah Emad.

Arrêtons-nous un instant. Si vous voulez comprendre comment le sens de la vie est réécrit après un génocide, ne cherchez pas dans les livres, mais regardez dans les yeux des femmes de Gaza.

Après chaque bombardement, chaque déplacement forcé, et lorsque le foyer se transforme en un amas de poussière, c’est la femme palestinienne qui se dresse sur les ruines. Elle ne pleure pas seulement ce qu’elle a perdu, elle entame immédiatement la redéfinition de la Vie. Elle n’est plus seulement celle qui prend soin de la famille ; elle est devenue l’ingénieure de l’existence nouvelle, le moteur qui refuse de s’arrêter.

Parler de leur résilience n’est pas un compliment, c’est la description exacte d’une situation inimaginable. Au milieu de la famine, du manque de médicaments et des services effondrés, leurs rôles se multiplient : elles sont la mère, le père, le soutien de famille, la secouriste, la cuisinière et l’enseignante, tout cela sous une tente déchirée ou entre des murs fragiles.

La nouvelle définition de la vie commence ici, non par la reconstruction, mais par la survie quotidienne.

Ici, commence une nouvelle définition de la vie : non plus celle que l’on rebâtit, mais celle qu’on arrache, jour après jour, à l’ombre de la disparition.

Le temps des pleurs s’est tu ; désormais, seule l’action permet de rester en vie. Dans cette lutte acharnée pour la simple existence, les femmes ne sont pas des témoins : elles sont le squelette même de la survie.

Majd Al-Sarsawi, dont la maison s’est effondrée avec son mari et une grande partie de sa famille, refuse de se laisser consumer par le chagrin.

Dans le silence du deuil, elle s’est relevée non pas pour elle, mais pour ses deux filles. En une nuit, elle est devenue tout à la fois le père absent, le frère disparu, la confidente et le pilier. Chaque matin, elle affronte le monde avec un courage nu, transformant la douleur en une force brute. C’est elle que l’on voit marcher des kilomètres pour remplir un bidon d’eau ; c’est elle qui, les mains noircies, cherche du bois pour faire vivre un feu de fortune ; c’est encore elle, que l’on voit debout dans les files interminables, attendant un sac de farine ou une boîte de lait. Son dos ploie, ses bras tremblent, mais sa détermination ne cède jamais.

Les femmes de Gaza sont l’âme invisible d’un peuple qui refuse de disparaître.

Majd n’est plus seulement une mère, elle est une frontière entre la vie et l’effacement, une muraille de chair et de volonté qui refuse que l’enfance de ses filles soit ensevelie sous les gravats, elle est la preuve que dans la plus grande des ruines, il existe encore un cœur battant qui défie la mort : celui d’une femme.

Mais cette histoire n’est pas seulement celle de Majd : c’est celle de milliers de femmes à Gaza, qui portent, à bout de bras, la continuité de la vie.

Dans chaque ruelle détruite, dans chaque tente dressée à la hâte, il y a une femme qui ravive la flamme, qui enseigne, qui soigne, qui nourrit, qui réconforte. Leur nom change, mais leur courage se ressemble. Elles sont l’âme invisible d’un peuple qui refuse de disparaître.

Au cœur des décombres, là où les murs ne sont plus que poussière et où le ciel semble s’être refermé sur la ville, vit Abeer, une femme qui parle d’espoir comme d’un acte de résistance.

Elle dit souvent : « Ce que la guerre ne peut pas m’enlever, c’est ma capacité à rêver. » Son école n’existe plus, ses élèves sont dispersés dans des camps, mais chaque matin, elle déploie un petit tableau entre deux tentes, aligne des pierres pour en faire des chaises et réinvente la salle de classe.

Autour d’elle, une dizaine d’enfants rit, récite, écrit sur des cahiers tachés de sable et pour quelques instants, la guerre s’efface. Abeer leur apprend à lire, à compter, mais surtout à croire que demain mérite d’être attendu.

Elle sème, dans un monde en ruine, les graines d’un avenir qu’elle ne verra peut-être pas, mais qu’elle veut offrir à ceux qui viendront après. Dans ses yeux, on lit cette certitude fragile : tant qu’un enfant apprend, Gaza respire encore.

Ces histoires ne sont pas isolées. Elles sont le témoignage d’innombrables femmes à Gaza, qui chaque jour transforment la douleur en courage et l’absence en présence.

Elles nous rappellent que la survie et l’avenir passent par leur force invisible mais inébranlable.

Alors, face à tant de défis, sommes-nous prêts à reconnaître et soutenir la puissance de ces femmes qui tiennent la vie entière sur leurs épaules ?