Ce n’est pas seulement mon histoire. C’est celle de millions de Palestiniens. J’essaie d’exprimer avec des mots ce que l’on ressent en voyant sa patrie s’effacer lentement, mais je ne sais pas comment. Depuis 20 mois, j’ai vu Gaza être détruite morceau par morceau. Les gens sont tués, affamés, déplacés, brûlés vifs. Et maintenant, j’ai l’impression que mes 23 années vécues là-bas n’existent plus que dans ma mémoire. Tout ce que je connaissais a disparu. C’est pourquoi j’ai décidé d’écrire mon histoire, au cœur du génocide et de la faim qui nous dévore.
Nous en sommes au huitième jour où Gaza survit uniquement grâce au sel et à l’eau. Les cages thoraciques sont désormais visibles sur nos corps qui s’effacent, comme tout ce que nous avons perdu. Nos maisons ne sont plus, nos familles sont déchirées, même notre chair est arrachée. Nous mourons de faim, de chagrin, le cœur brisé et oubliés.
Le voyage à la recherche d’un morceau de nourriture pour soutenir nos estomacs vides.

Par un après-midi étouffant en pleine guerre d’été, ma mère et moi avons entamé un voyage sans savoir s’il aurait une fin. Nous avons marché trois heures à travers ruelles et marchés, traînant nos pieds fatigués à la recherche de nourriture, de n’importe quoi pour nous maintenir en vie. Pas pour vivre, mais simplement survivre. Mais nous n’avons rien trouvé. Les gens dans la rue étaient affamés, leurs visages montraient la faim, et ils donnaient l’impression d’être des cadavres marchant sur le sol sans aucun signe de vie. À chaque pas, je sentais mon corps se désintégrer, fondre de l’intérieur. L’épuisement me rongeait, mais je continuais, non par force, mais par absence de choix. Alors que nous traînions nos pieds fatigués, nous avons vu un jeune homme qui vendait quelque chose ressemblant à des sablés, un simple bonbon dont nous rêvions depuis des mois. Nous n’en avons acheté que deux.

Nous pensions que ce peu de sucre, absent de nos corps depuis si longtemps, pourrait nous faire tenir, un peu. Ce n’était rien d’autre qu’un petit espoir auquel nous nous accrochions, nous convainquant qu’il nous donnerait la force d’avancer. Mais la vérité, c’est que ces sablés n’ont rien changé. Ils ne nous ont ni rassasiés, ni rafraîchis, ils m’ont juste permis de rentrer chez moi après quatre heures de marche ininterrompues. Et pourtant, je m’accroche à l’espoir. J’ai pris une profonde inspiration et décidé de transformer cette attaque en arme à double tranchant. Je ne les laisserai pas gagner. Alors qu’ils cherchent à nous écraser de leurs chars, de leurs bombes et par la faim, moi, je choisis de me battre avec mon caillou, avec les seules armes à ma portée : mes mots.
Je bois autant d’eau que je peux pour rester en vie, me sentir un peu rassasiée, garder mon équilibre. J’ai la tête qui tourne souvent. Chaque jour, j’entends les bombardements, les frappes aériennes, les drones. Nous mourons de faim. La malnutrition explose, non seulement au Nord, mais dans toute la bande de Gaza. Il n’y a aucune sécurité ici. À tout moment, je peux être la cible d’un drone ou mourir dans le bombardement de la maison voisine, ou perdre une partie de mon corps, si je ne meurs pas de faim avant. Je vis dans un état de terreur et de traumatisme permanent. J’ai du mal à dormir la nuit et je m’imagine trouver ma famille morte à mon réveil. Nous respirons la douleur et le désespoir, mais nous espérons encore un autre jour. En fin de compte, la faim n’était pas seulement une sensation temporaire, mais dure une vie entière sans que je l’aie choisie. Le voyage à la recherche de nourriture pour nous maintenir, malgré la difficulté, m’a appris le sens de la patience infinie et la force qui vient de nos faiblesses.
Le monde regarde Gaza mourir de faim
Les forces d’occupation israéliennes sont revenues avec quelque chose d’encore plus brutal. Comme si les bombes ne suffisaient pas, elles recourent désormais à quelque chose de plus froid, de plus lent : l’étouffement délibéré par la famine. Ils ont tout essayé, non seulement pour nous tuer, mais aussi pour nous effacer. Le ciel s’est couvert de missiles, la terre a tremblé sous les chars d’assaut et les maisons se sont effondrées, les familles encore à l’intérieur. Toutes les armes de mort ont été utilisées, comme s’ils voulaient tester ce qu’une vie humaine peut endurer avant de disparaître. Mais non, ils ont choisi la faim, la forme de meurtre la plus silencieuse et la plus lente. Elle n’explose pas. Elle s’attarde. Elle vous creuse, heure après heure. . Mais j’ai eu tort de parler d’une « autre méthode ». La faim n’est pas une arme de plus, c’est une peine calculée et méthodique. Une punition cruelle et quotidienne. Une façon de vous faire regarder votre corps mourir, sans un bruit, sans un combat. Depuis toujours, nous vivons au bord de la famine, nous comptons les miettes, nous rationnons l’espoir, nous survivons à force de volonté.
Le plus douloureux ? Même les pays arabes nous ont abandonnés. Tandis que nous faisons face aux bombardements, à la faim, à la disparition des familles, une grande partie du monde arabe reste complice par son silence, sa normalisation, et des gestes creux sans véritable action matérielle ou politique.
Quelqu’un va-t-il partager nos préoccupations et se tenir à nos côtés pour que la faim ne devienne pas la seule histoire que nous racontions ?
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